Jean-Sébastien Sauv © Cédric Vigneault, Enssib

 

 Jean-Sébastien Sauvé est professeur adjoint à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal. Il a rejoint l’Enssib du 19 au 25 février 2024 en tant que chercheur invité.

Rencontre avec Jean-Sébastien Sauvé, chercheur invité à l'Enssib

1/ Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ? Quels sont vos sujets de recherche ?
Je suis professeur adjoint à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal depuis 2019. Comme plusieurs de mes collègues, j’ai un parcours atypique qui m’a mené aux sciences de l’information. Je suis titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art de l’Université McGill (Montréal) et d’un doctorat en histoire de l’architecture de l’Université de Karlsruhe (Allemagne). Ma thèse porte sur la chronologie de la construction de la façade et de la tour septentrionale de la cathédrale de Strasbourg. Dans les faits, je suis un spécialiste des cathédrales gothiques et de leurs dessins d’architecture ! C’est après des stages postdoctoraux en études sur le patrimoine que j’ai décroché une maîtrise en sciences de l’information (M.S.I.) de l’EBSI pour devenir bibliothécaire. Finalement, après avoir travaillé pendant un an comme médiathécaire de l’équipe des informations de la Société Radio-Canada, j’ai intégré le corps professoral de l’EBSI où je dispense des cours sur les métadonnées d’objets numériques, les bibliothèques universitaires et l’architecture des bibliothèques et des centres d’archives.
Mon programme de recherche s’articule autour de trois pôles principaux : les métadonnées culturelles, les fanzines en bibliothèque et l’architecture des bibliothèques universitaires. Ayant participé à la rédaction de plusieurs inventaires de dessins d’architecture en Allemagne, en Autriche et au Québec, en plus de mon expérience comme médiathécaire, je m’intéresse à la manière avec laquelle les objets patrimoniaux peuvent être décrits et indexés. Je participe par exemple, à titre de collaborateur, à la mise sur pied de la bibliothèque numérique Nipakanatik de l’organisme anicinabek Minwashin.
Dans le cadre de mon exploration des presses indépendantes et marginales au Québec, j’étudie les collections de fanzines en bibliothèque. Je participe d’ailleurs à un projet de recherche-action avec les bibliothèques de l’Université de Montréal en vue d’intégrer les zines dans leurs collections. Cette nouvelle collection sera accessible prochainement à l’ensemble de notre communauté universitaire.
Comme historien de l’architecture, je m’intéresse à l’impact réciproque entre l’évolution des pratiques bibliothéconomiques et la conception des espaces de bibliothèque. J’analyse aussi les interactions se tissant entre les architectes et les bibliothécaires pendant le processus de construction, de rénovation, et d’aménagement des bibliothèques universitaires. J’ai d’ailleurs publié un premier article sur ce sujet dans la revue Documentation et bibliothèques. Dans la même veine, je me suis penché sur les divergences sémantiques qui entourent les concepts d’espace architectural dans ces deux disciplines, dans le but de développer des recommandations facilitant une collaboration fructueuse pendant la cocréation architecturale. Finalement, je me passionne pour l’histoire de l’architecture des bibliothèques universitaires canadiennes : j’ai troqué les dessins sur parchemin des cathédrales pour des dessins d’architecture plus récents !

 

2/ L’EBSI entretient des relations étroites avec l’Enssib. Quels sont vos rapports avec l’école ?
J’aime considérer l’EBSI et l’Enssib comme des institutions sœurs. En effet, elles ont toutes deux à cœur la formation des nouvelles générations de professionnels de l’information. Je suis ravi de constater que nos institutions font des efforts concrets pour favoriser l’échange des savoirs, des étudiants et des chercheurs à travers des ententes de collaboration. Alors que le milieu de la recherche devient de plus en plus compétitif, je trouve important que nous puissions nous allier pour assurer un développement et un épanouissement de notre discipline.

Pour ma part, je connais l’Enssib depuis mes tout premiers cours comme étudiant à l’EBSI. Les Presses de l’Enssib, en particulier, m’ont montré le dynamisme de l’école ainsi que la qualité de la recherche qui s’y effectue. Depuis, les ouvrages de mes collègues de Villeurbanne apparaissent dans les bibliographies de plusieurs cours magistraux dont j’ai la charge.

 

3/ En quoi ce séjour en France est-il important pour vos sujets de recherche ?

Mon séjour en tant que chercheur invité, d’une durée d’une semaine, me permet de poursuivre un projet de recherche en collaboration avec Susan Kovacs sur la scénographie des documents en bibliothèque. Tandis que les bibliothèques deviennent des « tiers lieux » et que le numérique dématérialise la documentation dans un espace virtuel, immatériel, la mise en scène des collections papier dans l’espace est souvent reléguée à l’arrière-plan. En prenant pour exemple le rayonnage mobile, nous entendons articuler une réflexion sur l’évolution des espaces pensés des bibliothèques dans une reconsidération de la culture matérielle qui contribue à structurer les espaces de savoir.

 

4) Selon vous, qu’est-ce qu’apporte l’étude de l’architecture pour le monde des bibliothèques universitaires d’aujourd’hui ?

Multifonctionnelles, les bibliothèques universitaires se démarquent par leurs collections variées, leur pluralité de services et la polyvalence de leurs espaces. Poussées par une offre numérique toujours plus grande et par l’arrivée d’usagers aux attentes et aux comportements distincts de ceux des générations précédentes, ces bibliothèques s’adaptent et se transforment. Loin de ne se consacrer qu’à leurs collections encyclopédiques, elles développent de nouveaux services, souvent liés à de nouveaux espaces destinés aux membres de la communauté universitaire, et elles offrent un soutien accru aux activités de recherche et à l’apprentissage.

Ces nouveaux usages ont des répercussions sur la vocation de ces espaces, qui se veulent désormais multifonctionnels, accueillants et inclusifs, menant à une nouvelle façon de penser leur architecture. En effet, alors que l’organisation de l’espace des bibliothèques était tributaire du classement des ouvrages sur les rayonnages, leurs nouvelles fonctions, incluant les nouvelles modalités de lecture et les nouveaux services, remettent en question cette conception. Ainsi nous voyons apparaître des bibliothèques universitaires intégrant un café, un fablab, des espaces de collaboration, des studios d’enregistrement, etc.

L’importance des investissements que les administrations universitaires allouent actuellement au design architectural de leurs bibliothèques (citons par exemple le projet Fiat Lux de l’Université McGill) témoigne d’une reconnaissance de ce nouveau type de bibliothèque universitaire dans le dynamisme des activités de recherche ainsi que dans la rétention des étudiants.

L’étude de l’architecture de bibliothèque permet de s’assurer que les espaces soient fonctionnels, et répondent aux attentes des usagers et des professionnels. Car, chaque bibliothèque mal conçue est une occasion ratée pour faciliter la rencontre de l’usager avec l’information dont il a besoin.

 

Propos recueillis par Susan Kovacs
Le 20 février 2024